Sale Boulot - Larry Brown

Récente sortie poche chez Gallmeister dans la collection Totem, Sale boulot est le premier roman de Larry Brown sorti, pour la version originale, en 1989. Court roman ayant pour fond la guerre du Vietnam, Sale boulot n’en demeure pas moins une œuvre forte qui marquera le lecteur par sa qualité d’écriture et la profondeur des personnages.

L’AUTEUR

Né en 1951 dans l’état du Mississippi, Larry Brown a d’abord servi dans l’US Marine avant de devenir pompier pendant de longues années. C’est lors de ses insomnies lors de ses nuits de garde qu’il a commencé à écrire. Après avoir été découvert par un éditeur, il ne consacrera qu’à l’écriture et sortira quelques romans et nouvelles parmi lesquels Dur comme l’amour, Joe, Père et fils et Fay. Il décède en 2004 d’une crise cardiaque en laissant que trop peu d’œuvres derrière lui.

LE LIVRE

Dans un hôpital pour vétérans dans le Mississippi, deux âmes et corps abimés se rencontrent : Braiden n’est plus qu’un tronc. Il a perdu bras et jambes lors de la guerre du Vietnam. De Walter, c’est la moitié du visage qui manque. Le premier est sur un lit d’hôpital depuis vingt-deux ans ; le second se noie dans l’alcool pour oublier ce visage qui fait peur et subi des crises de démence. C’est pendant l’une d’elles que les deux personnages seront amenés à partager une chambre et la nuit qui suivra sera l’occasion pour Braiden et Walter d’apprendre la vie de l’autre et ces failles que la guerre a inscrites dans chacun d’eux.

LA CHRONIQUE

Sans tourner autour du pot plus longtemps, c’est par un immense coup de cœur que je découvre l’œuvre de Larry Brown !

Après avoir été un peu déconcertée par les premières pages qui plantent le monde imaginaire dans lequel s’évade Braiden à défaut de pouvoir s’évader dans le monde réel, le reste du roman m’a captivé et je n’avais qu’une hâte : enfin rentrer chez moi pour continuer ma lecture.

Larry Brown a créé deux personnages abîmés aussi physiquement que mentalement et on s’attache à eux, à leurs blessures tout en sachant pertinemment qu’ils ne pourront jamais aller mieux. A cause de la guerre, cette sale guerre qui leur a volé leur jeunesse, qui les a forcés à faire ce sale boulot : tuer pour ne pas être tué.

Le style de Larry Brown est d’une justesse absolue et rend ces deux personnages incroyablement vivants. Le fait que le roman soit court n’entrave en rien la profondeur des personnages. Les chapitres alternent le point de vue de Braiden puis de Walter et cela sans jamais qu’on se perde, chacun étant bien défini par sa manière de s’exprimer.  

En définitive, ce roman ne laissera pas indifférent et la nuit que passent les héros, à se confier, à peut-être profiter de l’autre, à dénoncer cette guerre si barbare et inutile, hantera la vôtre pendant quelques temps. 

L'EXTRAIT

"Ça fait quelque chose de tuer quelqu'un. Je parle pas d'un chien. Quelqu'un. Une personne, qui parle comme toi, qui mange comme toi, qui a une cervelle comme toi. Une âme comme toi. Et chacun a une façon différente de l'assumer. Parce que c'est pas facile à assumer.C'est un truc que t'oublies pas. Quand t'appuies sur la détente, t'appuies pour l'éternité. C'est pas comme larguer une bombe, quand t'es haut dans le ciel et que tu vois pas ce que ça fait en bas, même si tu sais que ça fait des dégâts.

Tu regardes quelqu'un dans les yeux, puis tu le tues, t'oublies pas ces yeux-là. T'oublies pas que t'es la dernière chose qu'il a vue."

(Lu dans le cadre du Picabo River Book Club)