Jesse le héros - Lawrence Millman
Petit bijou de roman noir traduit pour la première
fois en français par Claro, Jesse le
héros a paru en 1982 pour la version originale. Plus de trente-cinq ans
après, nous pouvons enfin le découvrir grâce aux éditions Sonatine. Amateurs du
genre, n’attendez pas et courez vous plonger dans ces 200 pages !
Homme aux multiples casquettes, Lawrence Millman n’est pas seulement écrivain mais aussi mycologue et a beaucoup voyagé en Arctique.
LE LIVRE
Hiver 1968 dans une petite ville du New Hampshire. Jesse
attend impatiemment le retour de son frère Jeff du Vietnam. Mais Jesse n’est
pas le petit frère idéal. Entouré par la violence omniprésente propre aux
Etats-Unis, il ne rêve que d’armes à feu, de guerre, de destruction. Sans doute
retardé mentalement, ayant des hallucinations, Jesse n’a aucune idée des conséquences
de ses actes et ne voit pas le mal. En quelques jours, Jesse s’engagera dans
une voie dont il sera le seul sanglant héros.
LA CHRONIQUE
Comment parler de ce livre sans trop en dire ?
Court par son nombre de pages mais intense par les nombreuses péripéties du « héros »,
Jesse le héros ne pourra pas laisser son
lecteur indifférent. On ne peut s’empêcher de s’attacher à lui, cet « enfant »
irresponsable (au sens pénal du terme) de ses actes qui n’a aucune idée du mal dont
il est à l’origine.
Mais cet « enfant » n’en est pas un. Son
comportement oscille entre celui d’un dérangé sexuel et celui d’un enfant qui n’a
pas les clés pour comprendre le monde dans lequel il vit.
Comment l’excuser mais comment lui en vouloir ?
A qui la faute ? Est-ce celle de ce cercle familial étouffant mais dépassé
par ses actes ? Est-ce celle du reste du village qui le rejette et le
traite comme un idiot ?
J’ai lu ce roman noir quasiment d’une traite, en
gravissant avec Jesse son escalade dans l’horreur. Le style colle parfaitement avec
la psyché du personnage principal. L’absence du formalisme propre aux dialogues
montre cette incapacité qu’a Jesse de discuter avec les autres.
Je recommande fortement cette lecture, les amateurs
du genre ne devraient pas passer à côté de cette pépite qui deviendra à mon
sens un classique.
Merci aux éditions Sonatine et à Léa du Picabo River
Book Club pour cette découverte et superbe lecture !
LES EXTRAITS
« On
devrait être contents qu’il soit rentré sain et sauf, dit le vieux. Des tas de
frères reviennent dans une bière avec un drapeau plié au-dessus.
Super. Je peux
avoir une bière, papa ? Avec un drapeau américain ?
Jesse, tu n’as
aucune idée de ce qu’est une bière. Une bière, c’est la même chose qu’un
cercueil.
Alors je
prendrai juste le drapeau. Et l’enfant se vit enveloppé dans le drapeau, sans
la bière, et revenant de la guerre. Il se vit parader devant les gamins tel le
coq du village, et personne oserait le traiter de cinglé de peur d’insulter le
drapeau américain. C’est Jesse le Héros, qu’ils murmureraient. » Editions Sonatine p.41
« Mais l’enfant
s’était emparé de la bouteille de lait à moitié pleine et l’abattait de toutes
ses forces. […] L’homme ressemblait exactement aux gens morts à la télé. […] Il
se demanda si c’était la dernière bouteille de lait. C’était bien la dernière. » Editions Sonatine p. 47
Lu dans le cadre du Picabo River Book Club
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