My Absolute Darling - Gabriel Tallent
My Absolute Darling, un
absolute bouquin ? Et bien oui, comme tous les lecteurs qui se sont plongés
dans cette histoire, j’en ressors avec la certitude d’avoir rencontré un des
personnages féminins les plus marquants de l’histoire de la littérature
américaine du XXIème siècle.
Traduit par Laura Derajinski, My Absolute
Darling est une des parutions de ce mois de mars chez Gallmeister.
LE LIVRE
Turtle est une adolescente qui
vit avec son père en Californie, près de l’océan, dans une maison délabrée et
reculée. Ce père est violent, abusif, persuadé que la Terre décline à cause de
l’humanité et d’une misogynie sans commune mesure. Turtle est élevée à la dure,
en ayant pour meilleur ami un Sig Sauer et dédaignant toute tentative de
l’extérieur de se rapprocher d’elle. Cet extérieur, ces autres, qui devinent,
soupçonnent ce qu’elle vit mais sans agir. Ce livre c’est l’histoire de Turtle,
jeune fille élevée dans la haine des femmes, ces « sales petites putes
avec leur petite moule », et de son chemin vers l’ouverture aux autres.
A tout juste 30 ans, Gabriel
Tallent publie avec My Absolute Darling son premier livre qu’il aura mis huit
ans à écrire. Il a grandi à Mendocino, ville où se passe son roman et vit aujourd’hui
à Salt Lake City.
LA CHRONIQUE
Et non, vous n’avez pas fini d’entendre
parler de My Absolute Darling. Premier roman magistral, il ne cesse de me hanter
depuis que je l’ai terminé. Vous aimez les romans ayant pour pivot un
personnage fort et à l’âme torturée ? Vous aimez les ambiances
sombres, glauques dans un univers mettant en scène l’opposition entre la
décadence et la « normalité » ? Foncez.
Je n’aurais presque pas envie
d’en dire plus. Toutefois, ce roman est tellement plus que cette description
binaire.
My Absolute Darling c’est d’abord
ce personnage féminin totalement bad-ass : Turtle qui se bat pour gagner
son indépendance, envers elle-même et envers ce père qui a étendu son emprise
sur elle depuis qu’elle est enfant. Turtle, c’est le nom qu’elle s’est donné.
Comme pour rejeter ce prénom par lequel la société la connait, par lequel son
père l’a baptisée.
My Absolute Darling c’est aussi
ce sentiment d’oppression, ce suspense qu’on retrouve dans certaines scènes qui
nous fait nous demander, s’en sortira-t-elle ? va-t-elle refuser ? C’est
noir tout en étant ancré dans une réalité actuelle : la passion pour les
armes que les enfants alimentent dès leur plus jeune âge sous le regard ravi
des parents, la décrépitude d’une Amérique des laissés-pour-compte vivant dans des
maisons décharges, l’alcoolisme de ceux qui n’ont plus rien d’autre que la bouteille
dans leur vie…
Certains parlent de My
Absolute Darling en évoquant une histoire d’amour entre le père et la fille. Je
ne suis pas d’accord. Cela revient pour moi à donner une certaine forme de
légitimation à l’inceste. De l’excuser, de lui donner des circonstances atténuantes.
Je ne vois aucune histoire d’amour, seulement l’emprise d’un père sur sa fille.
Il y aurait encore tant de
choses à dire sur ce livre, sur l’écriture somptueuse de Gabriel Tallent, sur
ces descriptions d’une nature réconfortante pour Turtle, sur les personnages secondaires,
sur l’alternance de scènes de tension, d’amitié jusqu’à la chute finale… Mais
je vais m’arrêter là pour vous encourager une nouvelle fois à vous plonger entre
ses lignes.
LES EXTRAITS
« - Tu ne le prends pas au sérieux. Tu entres, tu gambades
ici et là, tu tires pile dans les cavités oculaires. Mais tu sais, dans un vrai
échange de tirs, dans un véritable combat, tu ne peux pas compter atteindre la
cavité oculaire à chaque fois, tu dois parfois viser la hanche, casser la
hanche d’un homme, Turtle, pour qu’il tombe et ne se relève pas. Mais tu
n’aimes pas ce genre de tirs et ne t’entraines pas à le faire parce que tu ne
le juges pas nécessaire. Tu te crois invincible. Tu penses que tu ne manqueras
jamais ta cible. Tu entres ici tranquille et détendue parce que tu as trop
confiance en toi. Il faut qu’on arrive à instaurer la peur en toi. Il faut que
tu apprennes à tirer quand tu as tellement peur que tu te chies dessus. Il faut
que tu t’abandonnes à la mort avant même de commencer, que tu acceptes ta vie
comme un état de grâce, et seulement alors seras-tu à la hauteur. C’est à ça
que sert cet exercice.
-
Je m’en sors bien quand j’ai peur. Tu le sais.
-
Tu es à chier, fillette. »
« Quand une petite puce
connaît le nom d’une chose, elle pense tout savoir à son sujet et elle ne
regarde plus. Mais un nom ne veut rien dire, et affirmer que tu connais le nom
de quelque chose revient à avouer que tu ne sais rien, moins que rien. […] Mais
il se trompait au sujet des noms. Ou du moins se trompait-il à moitié. Les noms
voulaient dire quelque chose. Ça voulait dire quelque chose quand il la
surnommait ma puce. Ça voulait tout dire pour elle. »
POUR ALLER PLUS LOIN
Je vous recommande cette interview de l'auteur par François Busnel qui permet d'en apprendre un peu plus sur lui et sur son livre.
Lu dans le cadre du Picabo River Book Club
POUR ALLER PLUS LOIN
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Lu dans le cadre du Picabo River Book Club
Ce sera ma prochaine lecture, après LaRose de Louise Erdrich. Avec tous les avis dithyrambiques lus, mes attentes s'en viennent démesurées!
RépondreSupprimerJ'espère qu'il ne vous décevra pas ! Mais il n'y a pas de raison, c'est vraiment un très beau roman qui ne peut pas laisser indifférent
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